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Après l'investiture du président intérimaire Eduardo Rodriguez
Démembrer la Bolivie ouvrirait une boîte de Pandore en Amérique latine
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Les barrages routiers qui paralysaient la Bolivie ont été levés. Simple trêve? Archives - Photo Jeremy Bigwood |
par Isaac Bigio (*)
Analyste international www.bigio.org
Lundi 13 juin 2005 (LatinReporters.com) - Les récents événements
ont conduit à se demander si la Bolivie pourrait se fragmenter comme
l'ex-Yougoslavie. Dans le passé, on redoutait qu'elle subisse le sort
de l'ancienne Pologne, répartie entre ses voisins. L'Amérique
du Sud n'a plus vu se fracturer l'un de ses pays depuis un siècle
et cela la différencie de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique. Un
démembrement de la Bolivie ouvrirait une boîte de Pandore dans
la région.
L'investiture du président intérimaire Eduardo Rodriguez a
dilué de nombreuses protestations, quoique les plus radicaux envisagent
encore des assemblées populaires, des marches et des blocages pour
la nationalisation du gaz. Rodriguez convoquera bientôt des élections
lors desquelles Samuel Medina, leader de l'Unité nationale, et l'ex-président
Jorge Quiroga tenteront d'obtenir un mandat qui permette au centre droit
de "ramener l'ordre", tandis que le dirigeant indien et député
Evo Morales visera à devenir le Lula bolivien.
Ces dernières semaines, l'autorité de l'Etat central a paru
se réduire, tandis que les pouvoirs locaux parallèles semblaient
se renforcer, quoique pas nécessairement durablement. El Alto et d'autres
zones de la Bolivie étaient contrôlés par des syndicats,
des comités de quartier, des conseils et assemblées populaires.
Dans le Sud et l'Est agissent quelques comités civiques qui ne veulent
pas "effrayer les investisseurs étrangers" et qui proposent des autonomies
régionales.
Alors que dans l'orient bolivien le département de Santa Cruz veut
être le centre d'une "demi-lune" qui se démarque de l'Altiplano
pour promouvoir un capitalisme libéralisé, ses zones pétrolières
et celles de Tarija parlent de se détacher. Ceux qui veulent que Santa
Cruz se convertisse en "Etat libre associé" souhaitent attirer dans
cette mouvance les départements de Pando, Beni et peut-être
aussi de Tarija. Néanmoins, dans le Chaco -un Koweit bolivien qui
comprend les zones les plus riches des départements de Santa Cruz,
Chuquisaca et Tarija- beaucoup s'y refusent et voudraient s'ériger
en nouveau département.
Alimenté par certains secteurs de la Bolivie orientale centrés
sur Santa Cruz, un séparatisme "camba" pourrait être vu d'un
bon oeil par des capitaux chiliens ou liés à d'autres intérêts
étrangers. A Santiago du Chili, on pourrait considérer avec
sympathie un Santa Cruz indépendant, allié et partenaire commercial.
Cela donnerait moins de poids à la revendication bolivienne d'un accès
à la mer, quoique plus tard le Chili pourrait s'en ressentir tant
sur le plan intérieur qu'international.
Une fracture de l'orient bolivien encouragerait dans son occident l'irrédentisme
indien aymara, qui affecterait l'intégrité du Pérou.
Les Aymaras soutiennent que leur patrie est divisée entre deux ou
trois pays, comme celle des Kurdes et des Basques. La croissance de mouvements
pour l'autodétermination nationale aymara, quechua et guarani aurait
un effet de contagion sur le continent, de l'Araucanie et la Patagonie jusqu'au
Mexique.
Le séparatisme de régions riches aurait aussi des conséquences
au-delà des frontières boliviennes. En Equateur, par exemple,
l'idée que des territoires plus enclins à la libre entreprise
devraient se séparer des zones montagneuses indiennes conflictuelles
pourrait induire à un nationalisme côtier.
République parmi les plus centralisées d'Amérique du
Sud, la Bolivie pourrait adopter des modèles de régionalisme
ou d'autonomie similaires à ceux de ses voisins ou de l'Espagne. Elle
pourrait aussi se baser sur l'exemple du Canada et du Groenland, qui ont
octroyé l'autogestion territoriale à des peuples autochtones.
Tant la persistance du centralisme que l'activation de séparatismes
pourraient conduire les Boliviens à la guerre civile.
Au chapitre des implications internationales de la crise bolivienne, les
Etats-Unis ont insinué que le président vénézuélien
Hugo Chavez financerait le leader aymara Evo Morales, chef du Mouvement vers
le socialisme (MAS), et d'autres mouvements de gauche afin qu'il prennent
le pouvoir dans la région. Caracas sent que son influence s'étend
sur le continent, frustrant notamment la tentative de George W. Bush, lors
du dernier sommet de l'Organisation des Etats américains (OEA), de
créer un organisme qui superviserait la démocratie dans la
région, ce qui, aux yeux de nombre de pays latino-américains,
risquait d'octroyer à Washington le pouvoir de les contrôler.
(* Isaac Bigio fut spécialiste de la Bolivie à la London School
of Economics, où il donna des cours de sciences politiques et d'administration
publique)
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